Découverte et essai du Leica M8 avec un objectif Voigtländer Ultron 28mm f2.
Le Leica M est devenu un mythe depuis l’époque argentique, avec la consécration du Leica M6. Bien sûr il a besoin d’être équipé d’optiques qualitatives. Le M8 permet de s’initier à cet univers du M (qui veut dire télémètre en allemand, pour faire la mise au point). C’est avant tout du beau matériel. C’est un très bel objet, petit et massif avec une grande impression de solidité, bien construit. Peu de boutons, les réglages se passent dans le menu et sur l’objectif. J’ai dû lire rapidement et en travers le manuel d’utilisation car j’étais pressé d’essayer l’engin. La mise au point manuelle avec le télémètre n’est au départ pas évidente, cela demande de la pratique. Au bout de quelques dizaines de photos (pour s’habituer), cela va déjà mieux. Sans mes lunettes cela force mes yeux car le collimateur qui décale l’image est très petit (il faut faire chevaucher 2 images l’une sur l’autre pour que ce soit net mais le rectangle est vraiment minuscule). Il faut s’habituer aussi aux cadres présents dans le viseur. Le boitier est petit aussi, il faut faire attention au flou de bougé quand on déclenche, bien se stabiliser. Au grand angle il n’est pas évident de ne pas pencher et d’avoir un horizon droit. La prise en main est moyenne, je trouve, avec de grandes mains, cela oblige à s’appliquer et à réfléchir du comment on le tient. La visée est tout à gauche, quand on vise de l’oeil gauche, on a le boitier sur le nez.
Le format raw est à privilégier
J’ai d’abord essayé de faire des photos en jpg direct, bof, le rendu est assez mou. J’ai réglé à fond le contraste et la netteté dans le menu, c’est alors à mon goût. Les fichiers raw, (DNG) sont bien plus intéressants. Avec ce style de boitier, qui est destiné à la photo traditionnelle, il faut utiliser le raw pour obtenir un résultat optimal. En termes de cible, de persona comme on dit aujourd’hui, Je pense que ce matériel s’adresse plus particulièrement aux personnes qui connaissent la technique photographique ou qui veulent apprendre. Il y a peu d’automatismes, uniquement le mode A, bien pratique pour se focaliser ensuite sur l’ouverture, la mise au point et les ISO, le boitier se chargeant de la vitesse d’obturation. On peut indiquer une vitesse minimale à ne pas dépasser. Bien que certains y arrivent, avec de la pratique, il ne semble pas destiné à la photo rapide, de type photos de sports par exemple. Aux USA certains font des photos de skate avec. En fait à l’époque de l’argentique on faisait des photos de sports avec du matériel entièrement manuel, c’est la dextérité et le talent du photographe qui faisait le résultat. Il n’y avait pas de secret, beaucoup de loupés et de la pratique pour progresser. La plage des ISO est fixe (pas d’intermédiaire) il faut choisir entre 160, 320, 640, 1250 et 2500 le maximum. Il est possible d’utiliser les ISO auto. Le format du capteur est en APS-H, qui se situe entre l’APS-C et le plein format (24X36), comme le Canon 1DmarkIV par exemple avec un rapport de x1,3. Le format raw permet de régler la balance des blancs qui sur le M8 n’est pas toujours très juste en automatique. Jusqu’à présent je n’ai pas eu la dominante magenta qui est due à la forte sensibilité aux UV de ce capteur qui est peu filtré afin d’obtenir plus de netteté.
Pourquoi acheter un Leica M8 en 2022 – 2023 ?
Il est sorti en septembre 2006. C’est le premier boitier Leica M numérique, cela peut être intéressant en collection. Pourquoi l’utiliser aujourd’hui ? Pour se dire si tu n’as pas eu un vrai Leica à télémètre un jour, tu as raté ta vie (humour). Cela fait 45 ans que je m’intéresse à la photographie et je n’en avais jamais eu. Pourquoi ? parce que je trouvais cela trop cher et je ne suis pas très attaché aux signes extérieurs. C’est un peu l’image que ça avait, un signe extérieur, mais certainement c’est faux car c’est un matériel de grande qualité de construction,avec du charme qui procure une expérience photographique particulière, mais les tarifs semblent exorbitants. De plus les optiques Leica sont vraiment très bonnes, elles gardent leurs valeurs et peuvent se monter sur d’autres boitiers avec des bagues d’adaptation. Les objectifs Voigtlander sont une alternative moins onéreuse. Les Leica M, c’est un peu comme un bijou, on peut dire que c’est est un. J’ai toujours été un grand admirateur d’Henri Cartier-Bresson qui ne jurait que pour son Leica (argentique). J’ai aussi toujours trouvé que les M sont vraiment de très beaux objets. Alors pourquoi cet achat maintenant ? pour ne pas mourir sans avoir essayé et surtout parce que le Leica M8 est maintenant à un tarif plus abordable. De plus le capteur CCD m’intéresse pour le rendu de ce type de technologie différente des CMOS. On ne trouve quasiment plus de capteurs CCD qui de réputation ont un rendu plus filmique, plus cinéma, car utilisé sur les caméras pour réaliser des films numériques. Ils sont beaucoup plus chers à fabriquer que les CMOS, « montent » moins dans les iso sans générer du bruit (« grain » électronique qui fait une bouillie de pixels). Le traitement électronique de Leica a réussi à faire ressembler le bruit numérique à du grain argentique. Sinon,la plage dynamique n’est pas non plus très étendue. C’est un matériel de « niche », ce n’est pas le meilleur du tout, on l’utilise pour le plaisir, le rendu et l’expérience photographique. C’est pour penser la photo, faire de la photographie de manière différente, en permettant une réflexion en mode lent. On choisit les appareils photos en fonction de comment on se sent bien avec. Certains donnent l’envie d’aller réaliser des photos, d’autres on ne les apprécient pas en mains.
Exemples de photos et traitement
J’ai mis des photos démo à télécharger en dng (sample pics, pictures dng Leica M8 dowload), pour ceux qui souhaitent faire des essais de traitement car ce n’est pas facile à trouver. C’est bien utile pour voir le rendu avant de se lancer dans un achat. Il est important de trouver du matériel qui convienne à sa pratique et à ses envies.Pour illustrer cet article J’ai laissé du ciel sur la photo, en cette journée où le soleil est caché. C’est un DNG traité avec LR6, je n’ai pas la version Lightroom en ligne. J’ai été étonné de voir que DXO optics pro 11 que j’ai, n’ouvre pas ces fichiers, ni le dernier DXO photo Lab. Il est prix en charge par Capture One pro. Au niveau du ciel, des nuages, ils se rattrapent bien, je n’ai donc pas été choqué tant que ça par un manque de dynamique. Il y a quand même de la marge. J’ai fait un traitement hyper rapide. Je trouve que le capteur CCD (DTC Kodak 10,3 Mpix, profil image Leica) a un rendu particulier qui rappelle la photo argentique. Je retrouve plus ou moins le rendu du Canon 1Ds Mark II. Un côté un peu « vintage ». Après il y a moi aussi qui traite de la même façon. Ci-dessous Leica M8 avec objectif Voigtländer Ultron 28mm f2 photo réalisée à 160 Iso 1/180 s à f9,5.
Raw (dng) et jpeg direct Leica M8 à télécharger
Je vais en mettre d’autres, le temps de faire des photos « banales » pour permettre de bien montrer les possibilités de ce boitier : Exemple dng et jpeg Leica M8 à télécharger pour un usage privé uniquement (test de rendu). Je mets ma copine aussi pour les tests. C’est une modèle de grand talent 🙂 Ainsi que la notice d’utilisation.
Au niveau de la réactivité à la prise de vues (très important pour moi ça), elle est bonne. On arrive à capter l’instant décisif sans latence qui peut créer un décalage au niveau du cadrage et ne pas donner ce que l’on voulait recevoir. En revanche quand on recadre, pour x raisons, parce que l’on a pas pu se déplacer, que l’on n’a pas l’objectif adéquat, forcément il ne reste plus beaucoup de pixels, en fonction de l’importance de ce crop dans l’image. Il y a toutefois une solution logicielle si on a besoin de beaucoup de pixels, par exemple si on veut faire un tirage pour couvrir toute sa porte de salon. Un aspect positif, de la contrainte nait la créativité, cela oblige à s’appliquer lors du cadrage afin d’éviter des recadrages.
Rendu très net avec effet 3D
Est-ce possible avec cet outil d’avoir un rendu très net ? oui en poussant les curseurs netteté, contraste clarté, on peut aller encore plus loin avec les options structure de certains logiciels de traitement. Je n’ai pas une optique hyper piquée non plus.
Noir et blanc
Traitement avec Capture One pro
Ci-dessous des exemples avec un traitement avec le logiciel Capture One pro . Il prend bien en charge les dng du Leica M8 contrairement à DXO Lab, que j’aime beaucoup aussi comme logiciel, dommage. J’ai testé le retrait de tâches avec les calques, ça fonctionne bien. En revanche il n’a pas le Ultron 28mm dans la liste des optiques prises en charge, peut-être on peut l’ajouter. C’est un logiciel qui n’est pas donné mais efficace.
Il y a vraiment beaucoup de possibilités de post-traitement. Bien entendu il est nécessaire d’y passer du temps. Ci-dessous, J’ai tenté d’avoir un rendu à la fois assez doux et avec de la matière, du détail et des couleurs qui me conviennent.
Hauts iso
Exemple à 1250 iso
à 2500 iso nous atteignons la limite. La photo est exploitable, le grain est présent et la dynamique (latitude d’exposition) est nettement plus faible (pas de détails dans les noirs).
Conclusion
Pour les adeptes des très hautes résolutions, des effets 3D très prononcés, de l’hyper netteté, de l’examen à la loupe des photos à 100%, le Leica M8 n’est pas l’outil adapté. Est-ce que c’est valable d’en acheter un ? oui pour l’expérience photographique et le côté anecdotique, collection , sinon au niveau technologie il est complétement dépassé. Concernant la qualité de l’image elle est particulière. Pour obtenir un résultat attendu il faut de la technique et de la pratique. Un Leica M, on aime ou on n’aime pas, en général l’avis est très tranché. C’est certain ce n’est pas le dernier truc technologique sorti. Est-ce que vous serez un meilleur photographe avec ? pas sûr du tout, même non, mais il permet d’apprendre la rigueur car il n’a pas d’assistance qui fait le travail à notre place. Le rendu des couleurs et la qualité d’image sont intéressants. C’est un matériel attachant. Après il est possible de le détester ou de râler parce qu’on a raté la mise au point ou qu’il n’y a pas assez d’infos dans le menu et une dynamique faible (latitude d’exposition) avec une tendance à brûler les hautes lumières (les blancs). Il est compact et peut s’emporter facilement. C’est clair qu’il faut s’habituer au maniement du télémètre. Est-ce qu’il est encore dans le coup ? oui et non selon l’usage et en conscience de ses limites. Il est destiné aux passionnés, sinon il y aura un décalage entre la somme à sortir et la satisfaction finale.
Forcément il y a mieux en termes de nombre de pixels. Après c’est une question de goût mais je trouve que le capteur CCD d’origine Kodak donne un rendu vraiment différent. On a presque de l’argentique avec les avantages du numérique, au niveau de la définition et surtout des détails, on arrive à obtenir du modelé naturel. Les photos n’ont pas cet aspect tranchant, sec, du numérique. En passant du temps dans le traitement on peut sortir un rendu personnalisé, très satisfaisant, cela complète la marque du style qu’un photographe auteur veille à obtenir. En fait à l’usage on se dit il est super ce boitier mais irritant parfois. L’adage « de la contrainte nait la créativité » s’applique fantastiquement à cet outil. Avec lui on n’est pas un presse bouton, on fait de la photo en se concentrant sur les réglages, le choix de l’iso, du diaphragme, de la vitesse, l’instant du déclenchement, le cadrage et le traitement. On a la sensation très agréable de maîtriser et que ce n’est pas l’appareil qui fait une grande part du travail. Bien entendu, il ne conviendra pas à tout le monde. Il faut accepter des caractéristiques qui peuvent être vues par les uns comme des défauts et par d’autres comme des qualités car cela correspond à ce qu’ils recherchent. Concernant les Leica M, on est au delà de la photographie. Il s’agit d’objets fabriqués à la main, de l’artisanat, de l’art. On n’est pas dans la raison, mais au niveau de l’achat d’un objet plaisir.
Les défauts et les qualités de ces défauts
Ne permet pas de tout faire, matériel adapté au reportage, pour documenter la vie, photos de rue, portrait, plutôt dans un style contemplatif, donc bien connaitre son besoin avant un achat ou alors plus raisonnablement adapté pour une utilisation complémentaire à un autre matériel plus polyvalent si on est un photographe pluri genres photographiques.
- Mise au point(télémètre) jusqu’à 0,7 m, peut être gênant pour la proxi-photo
- Pas d’alerte dans le viseur (attention à la roue des vitesses qui peut tourner)
- Menu (set) qui ne garde pas les réglages, bien vérifier avant les prises de vues
- 10 millions de pixels, cela laisse peu de marge pour les recadrages, s’appliquer lors de la prise de vues
- Cadrage pas tout à fait exact, il faut s’habituer
- Mise au point parfois difficile à grande ouverture pour recomposer l’image après une mise au point faite au centre
- Parfois qualifié de dinosaure du numérique et de matériel « old school » comme tous les Leica M, il s’agit de matériels qui peuvent paraître pas à la page avec des tarifs exorbitants. Il suffit alors de ne pas en acheter.
- viseur ancien, pas très lumineux, usage particulier du télémètre
- Usage difficile, technique, la gamme Fuji X est plus facile et plus polyvalente
- Difficilement réparable en cas de panne, capteur Kodak plus fabriqué
- Objectifs Leica gamme M à des prix astronomiques même d’occasion
- Rendu des jpeg direct en Noir et Blanc intéressant en ajustant les réglages, contraste, netteté, tendance à sous-exposer donc faire des tests pour voir comment son boitier réagit à la mesure de la lumière
- Voilà quoi, ce n’est pas un objet avec lequel on discute rationalité, c’est un Leica M ! on l’aime ou on l’aime pas.
Complétude au fur et à mesure de l’usage
J’ai réussi à obtenir le défaut de la couleur magenta conséquence du faible filtrage du capteur, sur une matière synthétique noire d’un sac de moto. Au niveau du traitement c’est confirmé que nous n’avons pas beaucoup de matière ; il faut donc y aller doucement sur les curseurs.
j’ai enlevé avec une retouche locale en désaturant le magenta mais il y a peut être une autre solution que je ne connais pas pour le moment.
J’ai remarqué que parfois les hautes lumières sont surexposées sur des les feuilles, je pense que cela vient de la mesure d’exposition qui n’est pas multizones.
Photo des roses à 2500 ISO de jour, traitement Capture One pro. Après d’autres essais, il me crame les hautes lumières quand il y a un soleil fort. Je sous exposerai. La cellule posemètre n’est pas terrible. La dynamique n’est pas formidable non plus en cas de fort contraste, ça me fait penser à de la diapositive en argentique. En connaissant comment le capteur réagit on doit pouvoir compenser.
Ici à 160 iso, j’ai baisé à fond les hautes lumières sur Capture One. C’est amusant car je préfère la photo à 2500 iso ci-dessous, bizarre !
D’autres photos dans l’article suivant ici.